Mado, Mozart and Co
Ce matin de février, un amant de passage : Séphocle, revient frapper à la porte de Mado. Il veut lui déclarer son amour et son désir de vivre avec elle. Mais, il tombe à un moment particulier et sans le soupçonner tout de suite, sur les deux autres amants de celle qu'il aime.
Extrait ACTE I scène 1
À la sortie de l’hiver. La scène se déroule, au crépuscule. Dans d'une cuisine vaste, rectangulaire. L'endroit est éclairé par le foyer de la cheminée et un plafonnier accroché entre deux poutres. Le mobilier est un peu chiche. Pour donner une idée de la simple condition dans laquelle l'habitant vit. On sent tout de même que c'est un jour particulier. Il règne une atmosphère de fête. Trois assiettes empilées trois verres, une bouteille de vin sont posés sur une solide table en bois massif. Quatre chaises paillées rangées dessous. Un gros chien, à poils longs est allongé, sur un vieux tapis de sol près du feu. On entend de la musique Mozart. Concerto pour violon...
Entrée en scène de MADO, un violon sous le bras. Elle porte un Jean, un gros pull-over, et des bottes en caoutchouc. Elle parle tout haut.
MADO
- Ah ! Ça fait plaisir à voir comme il frétille quand je lui joue Mozart ! Je crois que celui-là est un de mes préférés !
(Elle s'adresse au chien, qui n'a même pas levé la tête)
- Qu'en penses-tu Roco ?
Elle enlève ses bottes. Enfile des charentaises. S’en va ajouter une bûche au feu de cheminée. Les flammes s'élèvent, le bois crépite. Puis elle s'affaire à la cuisine. Elle se déplace au rythme de la musique. Fredonne. En s'activant. Elle vide une bouteille de vin dans une casserole, qu'elle met sur le feu. Ajoute des épices, un verre de rhum, une orange coupée en tranche et du sucre. Puis, elle sort un poêlon, la pose sur la cuisinière, y jette bientôt quelques morceaux de lard, que l'on entend grésiller. Elle ajoute poivre et herbes, puis se met à battre des œufs. Elle retourne les morceaux de lard, ajoute de la crème à l'omelette et la verse dans la poile. Elle s'essuie les mains, Les odeurs mêlées du feu de cheminée et du fumet de cuisine envahissent la pièce. On frappe à la porte.
MADO, tout haut
- Ha ! Bon sang déjà ? !
(Elle stop le feu sous l'omelette, enlève son tablier. Elle est assez grande, bien proportionnée. Dans la quarantaine. Un visage calme, mais volontaire aux yeux rond et noirs, encadré d'une chevelure brune, que l'on devine abondante, rassemblée en chignon Un visage souriant que bientôt la surprise gagne ; lorsqu’elle ouvre la porte, car le visiteur n'est pas celui qu'elle attend)
Un homme se tient sur le pas de la porte, on la voit de trois quarts, on ne voit pas bien encore Séphocle. Un dialogue démarre.
MADO, un silence le temps de la surprise.
- Mais ! Séphocle ! qu'est-ce que tu fais là ? Pourquoi es-tu revenu ?
Séphocle grelotte, il pose son baluchon à terre qui ne pèse presque rien. Il est chaudement vêtu. Un peu malingre. Sa figure est triste, son air penaud.
SEPHOCLE
- Il fait froid dehors
Mado, elle hésite un instant, puis le fait entrer.
- Bon, entre une minute. Tu as oublié quelque chose ? J'ai mille choses à faire !
(Ce disant, elle va à la cheminée y dépose une bûche, et remue un peu la braise. Comme si cette apparition était sans importance, et serait réglée très vite)
SEPHOCLE, il s'approche du feu, tend les bras vers les flammes, un instant, tandis que Mado est tout près de lui, il soulève une mèche de des cheveux. Caresse sa joue au passage
- Tu as mille choses à faire... J'ai … J'ai mille choses à te dire.
(Mado dégage sa main, le regarde, regarde ailleurs, un peu troublée, tout d'abord, mais elle reprend vite le dessus. Elle répond tout en s’agitant, au feu, à la cuisine, un peu nerveusement, pour se donner une contenance)
MADO
- Vraiment. Non ! Tu tombes mal !
SEPHOCLE
- Te voir...
MADO
- Me voir... Tu as décidé cela aujourd'hui. Justement ?
SEPHOCLE
- Je n'en pouvais plus d'attendre...
(sur le ton de la complainte, il se lance)
- Je ne peux me passer de toi !...
Lorsque je ferme les paupières tu es là... je t'entends, je te vois, je te sens... je te vis... je suis heureux... Puis j’ouvre les yeux... Tu n'es pas là... C'est un mal horrible... il me tord et l’âme et le corps. Alors, je retourne dans le noir pour éteindre ma douleur, atteindre ta lumière.
MADO
- Eh bien ! garde les yeux fermés sur cette vision de l'esprit, si tu es mieux ainsi.
SEPHOCLE, il s'est mis à genoux et supplie
- Mais tu ne vois donc pas que je meurs !
MADO, elle s'est arrêtée un instant et le regarde en face.
- Je sais que tu exagères. Je connais les gens comme toi. Ils inventent des malheurs puisqu'ils n'en ont pas. Si d'aventure c'est bien réel, ouvre les yeux, pleure, fais comme tout le monde. Ta réserve de larmes s'épuisera bien un jour et la douleur disparaîtra....